Point de vue de parents : 3 mamans

Trois mères ont accepté de se livrer à un petit jeu : au moment où leur enfant s’envolait pour une année vers l’étranger, elles nous confiaient leurs états d’âme. Leurs courts messages dessinent une carte —un peu floue mais significative—, de l’inquiétude et de l’agitation des parents de participants aux séjours scolaires longs au moment de l’envol, de leur sérénité et de leurs certitudes également.

Adeline est partie aux USA le 8 septembre

Adeline, participante USA et sa mère6 septembre – 1er jour de stage
Ce séjour a été souhaité par Adeline elle-même. Mon rôle de mère s’est limité à la mettre dans des dispositions favorables. Je lui ai offert l’écoute, je ne voulais l’influencer ni dans un sens ni dans l’autre. L’après-midi a été émouvante. C’était l’aboutissement d’une longue préparation, aussi bien matérielle que psychologique. La réunion était bien organisée, conviviale et efficace. Et puis le moment est venu de quitter Adeline. Elle, était confiante et détendue, prête. Nous avons écourté les « au revoir » pour ne pas la déstabiliser. C’était notre priorité. Le voyage de retour fut long. Chaque minute m’éloignait de ma fille. Heureusement sa grande sœur était venue. J’ai beaucoup d’admiration pour Adeline : elle a été capable de se lancer dans cette aventure (même si elle est bien cadrée) et j’ai conscience qu’on a eu une grande confiance en elle et en PIE. Mais pour être honnête, pour moi ce fut tout de même difficile. Maintenant, il va falloir vivre autrement. Elle se lance un peu plus loin dans sa vie.

Mais pour être honnête, pour moi ce fut tout de même difficile. Maintenant, il va falloir vivre autrement. Elle se lance un peu plus loin dans sa vie.

7 septembre – 2e jour de stage
La journée s’est bien passée. Le travail prend le dessus et empêche l’esprit de vagabonder. Je savais Adeline en de bonnes mains. Je connaissais le programme du stage, j’ai donc pu la suivre mentalement toute la journée. Adeline nous a téléphoné. J’attendais vraiment, sans toutefois lui avoir demandé. Nos encouragements auront, je pense, raffermi sa confiance. Le départ en groupe doit pouvoir l’aider à quitter le pays pour un an.

8 septembre – Le jour du voyage.
Le vrai départ. J’avais demandé tous les détails sur le voyage, ce qui m’a permis de la « suivre » tout au long de la matinée, jusqu’à 11h55, heure du décollage. Je l’ai imaginée descendre ses bagages, partir à l’aéroport… Être proche en pensées rend plus supportable l’éloignement. Il est 14 heures, elle est dans l’avion pour Chicago. Je guetterai les heures jusqu’à son arrivée au Kansas, jusqu’à ce que j’apprenne qu’elle est bien arrivée. Ce sera dur de s’entendre confirmer qu’elle est loin. Et pourtant, à ce moment-là —et à ce moment-là seulement— l’expérience tant attendue commencera vraiment. Ce sera à elle de jouer. Je crois que le rôle de parent est de passer, autant que faire se peut, au-delà de ses propres sentiments.

15 septembre
Juste un petit mot. Tout va bien. La vie active a repris le dessus. L’année d’Adeline aux États-Unis est simplement une année scolaire. Certains parmi ses amis sont partis étudier en Université ou dans une grande école, quelquefois à l’autre bout du pays. Finalement la séparation, sans être aussi longue, doit être similaire. Il faut permettre à nos enfants de construire leur vie, avoir confiance en eux. Notre rôle est de les épauler.

 

Marie est partie au Canada le 8 septembre

6 septembre – 1er jour de stage
Nous venons de quitter Marie. De tout le groupe départ, elle est la dernière à avoir été placée. Nous ne connaissons la famille d’accueil que depuis samedi matin et avons pu converser avec eux par e-mail. Il reste un petit problème de visa à régler, mais a priori elle pourra partir. Comme il y a une incertitude, Marie nous a fait deux petits bisous en nous disant : « Peut-être à demain, si je n’ai pas le visa. » En fait, elle et nous savons bien que c’est le vrai départ. Contentons-nous alors de deux bisous… C’est déjà bien ! Cela nous a évité trop d’émotions. Maintenant il ne faut pas trop penser qu’elle est partie pour un an.

La famille, l’école, la nourriture… nous verrons bien. De toute façon, nous serons trop loin pour intervenir ! Mais c’est long un an. Même quand ça ne dure que dix mois.

7 septembre – 2e jour de stage
Ce soir, il y a comme un peu d’énervement dans la maison. On décide de prévenir les parents d’accueil de l’heure d’arrivée de Marie (mais on s’aperçoit qu’ASSE les a déjà mis au courant). Le voyage sera long, mais tout devrait bien se passer. Marie a déjà voyagé et sait se débrouiller. Mais la suite ! Les questions remontent à la surface. La famille, l’école, la nourriture… nous verrons bien. De toute façon, nous serons trop loin pour intervenir ! Mais c’est long un an. Même quand ça ne dure que dix mois.

8 septembre – Le jour du voyage.
Toute la journée nous avons pensé au voyage de Marie. 29 heures de trajet en tout ! Enfin, elle pourra dormir. Nous savons qu’elle a fait une nuit blanche la veille (dernier jour du stage).
Ce soir j’ai l’esprit vide. Sa grande aventure commence. Et la nôtre aussi. Vivement demain soir…je veux savoir si elle est bien arrivée.

9 septembre – Jour de l’arrivée au Canada

Ce matin, dès le réveil, branchement sur Internet. Eh oui,  bien arrivée ! Message laconique. Marie prend juste le temps de nous écrire que la famille est très gentille. Repos pour la journée à venir —nous serons plus sereins. Nous aurons peut-être d’autres nouvelles demain. Même si on s’est jurés de ne pas communiquer au jour le jour, on aimerait bien avoir quelques détails pour pouvoir imaginer la vie là-bas.

10 septembre
Deux jours. C’est déjà une éternité. J’aimerais avoir des détails – savoir où elle est, ce qu’elle fait.

11 septembre
Comment tout se passe-t-il ? Va t-elle s’habituer facilement ? Tant que je n’ai pas de détails, je gamberge.

 

Isabelle est partie en Chine le 8 septembre

6 septembre – 1er jour de stage
Nous avons dit au revoir à Isabelle à 19 heures ; je riais et j’avais les larmes aux yeux. Comme elle, nous avons passé cette nuit à Paris, juste séparés par quelques rues —une distance pourtant immense.

J’étais heureuse aussi d’entendre sa famille d’accueil me dire : « She is a very nice girl. » Moi, je le savais… mais c’était super de voir qu’ils s’en étaient rendu compte si vite.
Maintenant on s’interroge sur sa nouvelle vie, son environnement, ses activités, etc.

8 septembre – Le jour du voyage.
Retour à la maison. Je trouve toujours une bonne raison pour aller dans sa chambre ranger quelque chose. J’y ai trouvé deux lettres : une pour nous et une pour son jeune frère. Isabelle me téléphone vers 16 heures. Elle va bientôt embarquer. L’aventure commence. On la sent si heureuse de pouvoir vivre cette expérience. Je pense à un arc-en-ciel sous la pluie. Elle est l’arc–en-ciel, mes larmes sont les gouttes de pluie.

10 septembre
Je n’ai jamais été aussi contente d’entendre la sonnerie du téléphone à 6 heures du matin ! On m’annonçait, en direct de Chine, qu’Isabelle était bien arrivée. J’étais sereine, mais heureuse tout de même d’entendre de bonnes nouvelles. Et heureuse aussi d’entendre me dire : « She is a very nice girl. » Moi, je le savais… mais c’était super de voir qu’ils s’en étaient rendu compte si vite.
Maintenant on s’interroge sur sa nouvelle vie, son environnement, ses activités, etc.

18 septembre
J’ai besoin d’entendre la voix d’Isabelle. Je suis parfaitement sereine, mais j’aimerais connaître son emploi du temps, savoir comment elle s’adapte, si elle a des amis, comment est sa ville, sa famille, son université, et le temps qu’il fait. J’ai prévu d’enregistrer la conversation pour en faire profiter sa meilleure amie. Je l’appellerai demain. Pourvu qu’elle soit là. On m’a dit de ne pas trop appeler. Je ne crois pas exagérer si je l’appelle demain !

21 septembre
J’ai donc téléphoné. Quel plaisir de l’entendre. Elle est vraiment heureuse. J’ai enregistré l’appel pour en faire profiter son père, son frère et sa meilleure amie… Et pour moi aussi, car j’avais peur que l’émotion me fasse oublier l’essentiel. Le lendemain, le facteur nous amenait sa première lettre. Là encore, que d’émotions en la lisant ! Elle s’adapte de façon assez surprenante ! Curieuse et ouverte aux changements. Sans a priori. Elle profite de tout à 100 %, ne veut rien perdre de cette expérience. Je n’étais pas spécialement inquiète, mais je dois dire que je suis assez surprise qu’elle n’ait pas eu de coup de blues. Je la connais bien, et là, je suis encore plus fière d’elle. Elle assure !

11 octobre
Un mois qu’Isabelle a quitté la France. Un mois seulement. Une éternité en même temps. Nous avons accueilli durant dix jours deux correspondantes hongroises chez qui Isabelle avait séjourné en mai. Cela nous a fait plaisir… de leur faire plaisir et de penser que nous avions un lien commun avec Isabelle. Pour l’instant, de mon côté, pas de nouvelle lettre. Et côté e-mail : toujours rien. Par contre, son frère a reçu un courrier. Je suis un peu jalouse, mais ils sont complices et c’est bien. Je ne sais pas ce que dit sa lettre sinon qu’elle demande à son frère de lui répondre tout de suite. Est-elle soucieuse ? En tout cas, il a tout de suite répondu, alors qu’en général il faut le supplier.
Il ne parle pas beaucoup d’elle, mais je suis sûre que sa sœur lui manque beaucoup.

Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°31