Trois Quatorze poursuit son tour du monde des écoles. Le journal enquête auprès des participants au programme d’une année scolaire à l’étranger sur les structures, les horaires et les objectifs des différents systèmes éducatifs de l’école mexicaine.
STRUCTURE DES ÉTUDES
S’il suit le cursus classique, ce qui est loin d’être le cas de tous les jeunes du pays, un enfant mexicain entre à la maternelle (Kindergarden) à trois ans, à l’école primaire (Primaria) à 5 ans, et à l’école secondaire (Secundaria) à 12. Il en sort à 14 ans, âge auquel il intègre la Preparatoria, équivalent du lycée français – il reste trois années en « Preparatoria » – mais nous devrions plutôt parler de six semestres, puisque c’est cette unité (le semestre) qui structure les études secondaires. La « Preparatoria » est en effet divisée en « primer, segundo, tercer, cuarto, quinto, sexto… semestro ». Un élève peut très bien, par exemple, redoubler son premier semestre, ou changer de matières et d’orientation à la fin du troisième, etc. Chaque fin de semestre est ponctuée par un examen : si un élève n’obtient pas une note positive dans 5 matières sur 6 (à savoir, suivant les écoles, 60% à 70 % de la note maximale), il est amené à redoubler son semestre. Au Mexique, l’examen final, celui qui conclut les études secondaires, est appelé « Ceneval » – il n’a pas grande importance, dans la mesure où seuls les élèves qui le souhaitent le présentent. Il s’agit plus d’une épreuve d’évaluation que d’une épreuve déterminant véritablement l’orientation universitaire ou professionnelle.
Selon nos « enquêteurs », l’école au Mexique se singularise également par une grande dichotomie entre public et privé – la fracture est visible à tous les niveaux : milieu social dont sont issus les élèves (personnes riches, sinon nanties, dans le privé, personnes modestes, sinon pauvres, dans le public), relations humaines, pédagogie et objectif. On note également de grandes disparités régionales, tant au niveau des structures que des moyens. Ces différences, parfois flagrantes, doivent être sans cesse mises en exergue afin d’éviter toute caricature dans la présentation et l’analyse du système éducatif.
L’école mexicaine se distingue enfin par ses contours assez souples, où, pour le meilleur et pour le pire, le retard, l’absentéisme, et une certaine forme de laisser-aller sont de mises. Nous sommes ici aux antipodes des systèmes japonais ou chinois, qui se caractérisent, nous l’avions vu, par leur rigueur, leur compétitivité, leur sérieux… parfois jusqu’à l’excès.
RYTHME SCOLAIRE
L’année scolaire débute en septembre et s’achève en juin. Le rythme des vacances est typique de l’hémisphère nord, avec une grande coupure estivale (juillet, août) et deux à trois coupures, plus brèves, qui correspondent aux fêtes traditionnelles, qui ne sont autres que les fêtes religieuses (Toussaint, Noêl, Pâques).
Généralement, les cours ont lieu du lundi au vendredi. Ils commencent tôt le matin, à 7 h ou au plus tard à 8 h, et s’achèvent vers 13 ou 14 h. Ce rythme est en partie dicté par la chaleur, écrasante la plus grande partie de l’année, dans la quasi totalité du pays. L’après-midi est consacrée au repas (vers 14-15 h), toujours pris à la maison, à la sieste et aux activités extra-scolaires. Les clubs (danse, sports, capoeira, langues, musique) sont très prisés par la jeunesse mexicaine.
Dans certaines écoles publiques, des cours sont dispensés le soir ou même le samedi. Il en est ainsi pour une question de place (classes ou locaux surchargés) ou pour permettre aux élèves les plus défavorisés de travailler pendant la journée. Flora une jeune étudiante PIE, qui a connu le système public et privé nous précise à ce sujet : « d’un côté, dans l’école privée, j’ai rencontré des jeunes souvent gâtés, qui considèrent facilement l’éducation comme une corvée – un de mes camarades par exemple avait dépensé tout l’argent de son inscription dans des boissons alcoolisées ! – de l’autre, dans le public, la plupart de mes amis avaient un travail (chauffeur de bus, pour pouvoir aider aux besoins de leurs très modestes familles) – ces jeunes-là considéraient l’éducation comme un privilège.
Chaque cours dure 50 minutes – il n’y a aucune pause prévue entre chacun d’entre eux. Pour ce qui est de l’emploi du temps proprement dit, on se situe quelque part entre le système latin et anglo-saxon : les cours se répètent souvent dans le même ordre, tous les jours de la semaine (comme en Amérique du Nord)… mais pas toujours (exceptions liées notamment aux options, …) !
MATIÈRES
Certaines matières sont obligatoires pour tous les élèves, quelles que soient les écoles – c’est le cas, semble-t-il, de la littérature, des maths, de l’anglais, de l’informatique et de l’histoire. Les autres matières sont facultatives, mais les choix sont liés et limités par la filière à laquelle on est rattaché. En « quinto semestro » par exemple, la filière « humanidades y sociales » est définie par l’étude des « sciences de la communication », de la « sociologie », de la « philosophie » et de « l’économie ». Les autres filières comprennent les options administration, chimie et économie, ou bien « science de la santé », « physique » et « calcul », ou encore « comptabilité », « dessin technique », « philosophie ». Suivant les écoles et suivant les régions, on trouve ensuite d’autres matières à option, telles la guitare, le chant, la cuisine…
Contrairement au système français, toutes les matières sont considérées comme aussi importantes les unes que les autres. Elles sont logées à la même enseigne puisqu’aux examens de fin de semestre, il n’y a pas de coefficient.
Généralement, le sport est obligatoire jusqu’au « cuarto semestro » et optionnel ensuite. Les grands sports sont le football, le basket-ball, le volley, la danse… Bien que les jeunes Mexicains soient très friands de sport, les conditions de pratique ne sont pas simples : l’infrastructure sportive laisse globalement à désirer, avec des terrains souvent précaires – facilement exposés au soleil et aux inondations – et les annulations sont fréquentes.
RELATIONS ET ATTITUDES
Là, c’est le grand écart : certains nous parlent de professeurs assidus, responsables, studieux et consciencieux – nous sommes plutôt dans le privé –, d’autres de professeurs plus indifférents, moins professionnels, qui se comportent en dilettantes – nous sommes plutôt dans le public.
La discipline n’est donc pas toujours de règle : « Souvent les professeurs doivent se battre pour être respectés. » « Par moments », nous dit-on, « on se croirait en France. »
Mais, de l’avis général, quel que soit le système (public ou privé), les relations entre professeurs et élèves sont souvent plus cordiales et plus détendues qu’en France, plus simples aussi : « On peut manger avec les professeurs, aller avec eux au théâtre. Il y a de la confiance et de la compréhension. »
Nos enquêteurs s’accordent à trouver tous les élèves sympathiques, on parle même de véritable amitié, de grande proximité, de grande solidarité. On insiste sur le bon esprit qui règne entre les élèves. Mais parfois, soulignent certains, « cette solidarité joue contre les professeurs. »
L’esprit n’est pas à la compétition, mais plutôt au savoir-vivre : « Ici on ne s’affole pas, on vit au jour le jour, on ne se préoccupe ni du temps qui passe ni des échéances » – mais pour bien souligner que les choses ne sont pas si caricaturales, on notera cette réflexion : « En période d’examen, on sent monter les stress » – ou encore celle-ci : « Soudain, les élèves sont obnubilés par les résultats. »
NIVEAU – OBJECTIF
D’après nos participants, l’école mexicaine axe sa pédagogie sur la connaissance et sur les acquis – et, d’après eux toujours, elle n’obtient sur ce terrain que des résultats médiocres. Le niveau est globalement jugé faible (excepté en philosophie), mais il convient d’insister encore sur les grands écarts entre les écoles et les régions. En général, nos participants reprochent un certain manque de travail, un manque d’approfondissement des sujets, et un manque de développement du sens critique. Il semble que le projet global de cette école soit flou et que la faiblesse des structures n’aide pas à sa cohérence.
Par contre « nos » Français soulignent la qualité du travail de groupe et du travail oral. Ils insistent surtout – et ce, sans exception et sans nuance – sur l’humanité qui règne au sein de cette école : « L’ambiance est excellente », « Sur le plan culturel et affectif, c’est un enrichissement extraordinaire – de ce côté-là nous avons beaucoup à apprendre – ici on veille au bien-être de chacun. » Il ressort de la plupart des témoignages, une vraie joie d’être au cœur de cette école, d’y aller le matin, d’y vivre.
De ce fait la complémentarité avec l’enseignement français paraît évidente : « J’ai compris qu’il y avait une autre façon d’apprendre, une autre façon de concevoir l’école. » « J’ai appris beaucoup de choses sur l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, sur la culture mexicaine, l’histoire… » – ou encore : « J’apprends à mieux cerner les mentalités. »
Une participante souligne enfin et non sans humour : « En ce qui concerne le savoir à l’état pur, j’ai appris en venant ici à reconnaître la valeur de l’enseignement qu’on nous dispense en France. »
TÉMOIGNAGE
« Mon passage à l’école publique fut ma plus belle et ma plus enrichissante expérience », nous dit Flora en guise de conclusion. « Même si mon école était un champ de ruines (pas de portes, trous dans les murs, pupitres en bois, vitres cassées…), même si j’ai croisé là-bas la pauvreté, c’était le vrai bonheur. J’ai rencontré des âmes pures, des jeunes déjà durcis par la vie, des jeunes heureux d’aller à l’école. Certains vivaient dans des endroits très éloignés, devaient prendre le bus très tôt le matin, d’autres travaillaient pour ramener quelques pesos à leur famille (ils étaient livreurs de pizzas, chauffeurs…). Ils faisaient preuve d’une volonté extraordinaire. Pour moi, ils étaient tous des exemples. »
Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°40