Il est connu de tous pour son engagement politique fait de douce radicalité ; il est connu de la famille PIE pour son optimisme et sa fidélité de coeur, et des adolescents sur le départ pour ses encouragements, ses conseils et son extrême disponibilité. Avec Tiphain, l’entretien d’un candidat au séjour scolaire d’une année, au lieu de durer les quatre-vingt-dix minutes habituelles, dépasse sans qu’on s’en rende compte les trois heures. Avec lui, la gestion des problèmes tient plus de l’échange que du conflit, et la recherche de solutions est une option non négociable.
En 2001, Tiphain est passé de la Bourgogne profonde à l’Amérique profonde. Une année au fin fond du Michigan lui a ouvert et les yeux et la voie. En observant et en pigeant son environnement, il s’est pigé lui-même : le chimiste en herbe est devenu militant (à gauche toute !) et le “self made man” est devenu solidaire. Tiphain a profité de son séjour d’une année et du chaos qui l’entourait pour décider de changer le monde. Il a conjugué, au présent et bien avant l’heure, le “wokisme” en ne gardant du terme que son essence première : “Wake-up” (éveillez-vous !), c’est ce qu’il clame depuis près de vingt ans à tous les ados qu’il croise… et en qui il croit.
En images : 1. Tiphain d’hier (2018) et d’aujourd’hui — 2. Mémoire d’une année aux USA (2001) — 3. Tiphain, bénévole aux JO de Paris en 2024
Prénom : Tiphain
Nom : ROBERT
Nationalité : Français
Promo : 2001 (Kangourou Rouge Lucifer)
Destination : Carson City, Michigan, USA
Situation actuelle : en charge du logement à la Mairie de Paris / 3 enfants
Pourquoi je suis parti un an ?
J’avais 15 ans. Je ne comprenais plus le système scolaire français. Ça ne m’allait pas. J’étais par ailleurs passionné de chimie et je savais que si je voulais faire mon chemin là-dedans (rédiger, publier, etc.), je devais parler anglais couramment.
J’étais élève au collège Saint-Florentin, le pire de l’Yonne, un niveau déplorable. J’avais conscience que j’étais nul en langues. Le reste j’étais au top ! mais en anglais mon niveau était catastrophique. Je savais, quasiment instinctivement, que pour apprendre et grandir il fallait être accompagné, or j’ai vite compris que le sytème français en général et mon école en particulier ne m’offriraient aucune solution, aucune possibilité de progresser et de m’en sortir. Pas d’issue…
Je devais donc trouver une solution par moi-même.
Pourquoi j’étais attiré par la chimie ? J’étais fasciné par l’idée qu’en manipulant les éléments, les molécules, etc., on les transforme et que l’on transforme par là-même le monde. Je crois que j’avais déjà en tête l’idée de le rendre meilleur. Je pensais y arriver par la recherche scientifique et l’action sur la planète, sur la médecine, etc. Je crois sincèrement qu’il y avait quelque chose d’altruiste dans ma démarche.
On va voir que ma période américaine a bouleversé mon projet de vie, mais je crois avoir gardé cette ambition première —que d’aucuns qualifieront d’utopique— de “changer le monde”. Quant à la chimie et à la transformation moléculaire… il en reste un petit quelque chose à travers ma passion pour la fabrication de la bière, laquelle passion est plus ou moins née aux États-Unis aussi !
Je crois que j’avais déjà en tête l’idée de rendre le monde meilleur. On va voir que ma période américaine a bouleversé mon projet de vie, mais je crois avoir gardé cette ambition première —que d’aucuns qualifieront d’utopique— de “changer le monde”.
Pourquoi je suis parti avec PIE ?
Je ne sais plus exactement. Une brochure peut-être ? au CDI du lycée sans doute ? Ce qui est sûr c’est qu’un truc tombe dans mes mains au bon moment. Je comprends tout de suite que c’est ma voie de sortie. Je me souviens du stress avant de passer le premier coup de fil à PIE…
Au terme de plusieurs échanges téléphoniques, je débarque un jour chez Annie —bénévole à Semur-en-Auxois— pour passer un entretien. J’ai encore l’image de la cuisine dans laquelle elle me reçoit, de ma peur d’être évalué, de ma mère qui attend à l’extérieur.
Annie a été bienveillante… le projet était sur de bons rails.
Ma grand-mère était garde-barrière : Une famille de Morvandiaux : 90% des économies partent à la banque. C’est touchant de penser qu’au final ce petit pécule a servi à envoyer son petit-fils aux USA… et cela a quelque chose d’improbable !
Un tel projet n’entrait pas du tout dans la culture familiale. Mes parents n’avaient aucun diplôme, ma mère était assistante dentaire, mon père cheminot. Je ne suis pas du tout issu d’un milieu socio-culturel proche de la grande majorité des gens qui envoient leur enfant un an à l’étranger (surtout aujourd’hui), mais il est vrai que mes parents me laissaient globalement une grande liberté et que cela a beaucoup joué. Sur ce coup-là, ils m’ont fait totalement confiance et m’ont laissé gérer l’affaire. Ma grand-mère était morte deux ans auparavant : on a donc financé le séjour avec les 30 000 francs de son héritage. Mes parents ont versé l’intégralité de la somme dans le projet ! Sans cela, je n’aurais jamais pu partir. Ma grand-mère était garde-barrière : une vie entière à cultiver des patates, à ne rien consommer, à mettre de côté le peu qu’on peut épargner. Une famille de Morvandiaux : 90% des économies partent à la banque. C’est touchant de penser qu’au final ce petit pécule a servi à m’envoyer, moi, son petit-fils aux USA… Cela a quelque chose d’improbable !
Ceux qui connaissent mon engagement politique sont parfois surpris que je sois parti aux USA, mais c’est justement ce “voyage” qui m’a changé. J’arrive aux États-Unis, moins d’un mois avant le 11 septembre. Je vais vivre en direct la sidération des Américains, puis leur réaction. Ce sont les années Bush junior. À l’époque, je ne suis pas conscientisé politiquement, je suis plutôt libéral (je dirai même de droite), de par mon éducation, de par ma volonté de dépasser ma condition, mon environnement, mon carcan familial, mon petit village, mon école… le monde un peu étroit dont je viens. J’ai clairement une idée de réussite en tête… d’ascension sociale, laquelle passe par les USA. La ligne est tracée, le projet bien défini : ce pays sera mon marchepied…
Mais ça ne s’est pas passé comme ça !
Mon année PIE en un mot
LE CHAOS ET L’ÉVEIL — J’arrive dans une famille provisoire qui doit m’accueillir deux jours et dans laquelle je reste finalement une grosse semaine. Et là, d’un coup d’un seul, je bascule dans un autre monde : je passe de la banlieue de Grand Rapids et d’une famille qui m’a merveilleusement bien reçu, à une famille de fermiers, qui vit au milieu de nulle part et qui m’accueille par dépit : cinq cent hectares de maïs, trois cents vaches, une centaine de chevaux, le premier voisin à cinq kilomètres. On parle “d’Amérique profonde”… pour moi, c’était la “famille profonde” au coeur de “l’Amérique profonde”. Je dis que j’ai habité à Carson City, mais en fait j’en étais loin… Carson City c’était quasiment notre capitale. Lansing, Grand Rapids, Kellog, tout cela en théorie c’était la porte à côté, mais dans les faits, c’est loin quand même. Croyez-moi : c’était le grand isolement. Et mon intention première (je parle là de mon idée d”ascension sociale”) en a pris un sacré coup ! Je replongeais directement dans mon monde d’avant, loin de mes bases, mais dans un truc que je connaissais déjà.
Ajoutons à cela…. un environnement quotidien peu enthousiasmant ! Je sentais bien que je n’étais pas un hôte attendu. Tout était là pour me signifier que mon accueil était bien plus subi que voulu.
Ajoutons à cela… le contexte exacerbé de l’après 11 septembre, d’une Amérique qui choisit de se refermer, de la “One Nation Under God” qui cherche à se protéger par-dessus tout de l’extérieur et même —ou surtout— d’un étranger qui a choisi de venir vivre dans ses murs. Le pays se sent agressé : il se radicalise et se sur-américanise.
Et moi, en débarquant au centre du Michigan et pile à ce moment-là, je tombe au coeur du coeur de ce monde-là. D’autant que l’environnement économique est tendu aussi : la crise ENRON vient d’éclater —qui annonce déjà celle des “Subprimes” de 2007-2008—, avec ses manipulations financières, ses scandales, ses faillites. Et comme le coin où je suis est pauvre et démuni, il est frappé de plein fouet par cette crise : tout le monde se sent fragile, insécure. Les gens perdent tout et ont peur de perdre plus encore. Oui l’ambiance est vraiment tendue, voire violente… Ça sent plus les “Raisins de la colère” que le “Surfin’ USA”.
Un exemple : notre voisine, celle qui occupait la maison la plus proche de la nôtre, vivait avec rien… mais quand je dis “rien”, c’est rien. Elle avait bossé toute sa vie dans l’usine Ford et se retrouvait avec quasi zéro dollar de revenus. Eh bien, on devait lui apporter un peu à manger, histoire qu’elle survive. La première fois que je l’ai rencontrée, je me souviens que suis sorti et j’ai pleuré.
Je me suis dit : “Si autant de choses ne vont pas, c’est que le monde ne va pas.” Il y a une faille quelque part. À partir de là, je me suis interrogé, j’ai regardé, j’ai parlé du pays et de la France, j’ai comparé, j’ai questionné : en fait je me suis éveillé à la politique.
En quoi cela m’a-t-il changé ?
J’ai eu un vrai déclic : j’ai vu soudain tout ce qui clochait et je me suis dit : “Si autant de choses ne vont pas, c’est que le monde ne va pas.” Il y a une faille quelque part. À partir de là, je me suis interrogé, j’ai regardé, j’ai parlé du pays et de la France, j’ai comparé, j’ai questionné : en fait je me suis éveillé à la politique. Mon idée avant de débarquer aux USA, c’était un peu : “Si tu veux tu peux” et après quelque temps ici, j’ai pensé :“Ok, tu peux… mais à quel prix, pour toi et pour les autres ?”
Ma passion pour la chimie ne m’avait pas quitté pour autant. J’en ai fait à fond, et comme j’ai été classé rapidement dans le top 20 des étudiants américains dans le domaine, j’ai obtenu une “Scholarship” (bourse) pour continuer mes études en “High School”. Mais le visa ne me permettait pas de rester deux ans de suite comme lycéen aux US. Je n’avais aucune envie de retourner en France pour retrouver ce système scolaire qui ne me convenait absolument pas. Je me suis donc senti un peu coincé.
Qu’est-ce qui explique que, malgré le contexte si pénible, j’aie réussi à finir mon année aux USA ?
En fait, tout me surprend là-bas, mais comme je suis parti pour être surpris, rien ne me surprend vraiment. Le monde qui m’entoure est chaotique, ma famille n’est pas accueillante et pourtant à aucun moment je n’envisage ni de changer de famille ni de rentrer en France… et encore moins de remettre en cause mon séjour : ce n’est même pas une option.
Sur place, je rencontre des gens super ; d’autres familles, avec qui j’ai beaucoup partagé (soirées, échanges…), dont une avec qui je suis parti en vacances… Je passe plus de temps avec eux qu’avec ma propre famille d’accueil, ça me fait tenir, ça m’ouvre des portes. En fait je suis très content d’être avec des Américains, et je fais en sorte de profiter de tout ce qui se présente, car j’ai conscience d’avoir une chance incroyable de vivre tout ça. Autre donnée importante : mon éveil politique se double d’un éveil sur moi-même. Le deux vont aller de pair tout au long de mon année. Je me dois à ce propos d’évoquer ce premier cours d’éducation civique auquel j’ai assisté, en tout début d’année. Le thème du premier débat, c’était : “Créationnisme contre déterminisme”. Je n’en revenais pas. Je ne connaissais même pas le concept du créationnisme, et je n’imaginais même pas que des gens puissent nier le principe de l’évolution. Or c’était le cas de la majorité des élèves ! Dans mon anglais déplorable je me suis mis à argumenter… J’étais en minorité—mais cela a souvent été le cas durant mon année— et j’ai réalisé que cela me plaisait : expliquer, convaincre, combattre pour mes idées, c’était fait pour moi. C’était moi.
L’année se construit également autour de beaucoup de temps morts, lesquels me donnent le temps de la réflexion, de l’introspection. Éveil et introspection ! En gros c’est l’année du bouleversement intérieur. Je sentais bien avant de partir que j’avais plein de choses en moi qui demandaient à s’exprimer, mais c’était tout mêlé dans ma tête et franchement illisible. C’est aux États-Unis —grâce à la distance et au recul— que j’ai trouvé des leviers pour actionner toutes ces forces et un moyen de donner du sens à l’ensemble… et de la direction à mon projet de vie.
Aux États-Unis, je me suis senti totalement libéré de la pression qu’exerçait sur moi l’école française. Le système français ne me permettait pas de respirer : en France, tu dois lire ceci et pas cela, étudier ceci et pas cela, tu dois faire tel devoir et pas tel autre, etc.
Une anecdote
Quelque temps après mon arrivée, j’ai appris que l’école organisait une journée déguisée. J’ai dû rater une étape, car je me suis pointé, déguisé comme il se doit… mais la veille du jour J ! Je suis arrivé en Cowboy (tout en bleu et jaune, car c’étaient les couleurs de l’école et le thème de la journée !). J’étais bien entendu le seul de toute la High School à être déguisé. Tout le monde a rigolé, mais j’ai pu rester comme ça toute la journée. Au final, c’était trop drôle. Ce jour-là, je me suis fait ma réputation. J’ai senti aussi une vraie chaleur à mon égard. En France, ce genre de truc est impossible et même inimaginable : déjà, il n’y a pas de journée déguisée, et si tu te trompes, j’imagine que tu as un rappel à l’ordre… en tout cas, tu es la cible.
Au-delà de l’anecdotique, je retiens beaucoup de cet événement. Aux États-Unis, je me suis senti totalement libéré de la pression qu’exerçait sur moi l’école française. Le système français ne me permettait pas de respirer : en France, tu dois lire ceci et pas cela, étudier ceci et pas cela, tu dois faire tel devoir et pas tel autre, rédiger ta dissertation sur la base de tel modèle et pas sur un autre, viser tel résultat, obtenir tel examen… Je n’en pouvais plus de cette pression extérieure. Aux USA, j’ai bossé, mais la pression c’est moi qui me la mettais et personne d’autre. Tout ce que j’ai fait là-bas, même le sport (même la course à pied qu’au départ pourtant je détestais), je l’ai fait parce que j’avais décidé —et donc envie— de le faire. J’ai pu desserrer l’étau.
J’ai été passionné par l’école américaine, sa souplesse. En France on est arc-bouté sur la méthode et c’est très contraignant, aux États-Unis on te laisse gérer la méthode, pourvu que tu arrives au résultat. À tous les participants qui souhaitent partir, je dis : “Vous allez pouvoir vous extirper, vous libérer de certaines contraintes, prendre un chemin…. le vôtre.” Parfois pourtant, quand je pense à tous ceux que je suis et que j’accompagne, durant la préparation et durant le séjour, je me demande s’il y en a beaucoup qui y parviennent…
Ma vision de l’Amérique
C’est un pays très surprenant, au sens où il valorise à fond le marché, la concurrence et que, dans le même temps, son peuple peut faire preuve de grande solidarité. Dès qu’il s’agit de protéger son groupe, au sens large du terme, l’Américain est présent. La communauté aux États-Unis dépasse l’État-Nation. La communauté pallie aux carences de l’État ; l’idée sous-jacente, c’est que la puissance qui se dégage du collectif permet toujours de s’en sortir ; elle évite cet échelon supérieur de l’État qui impose sa ligne de conduite et qui menace de vous infantiliser en vous dictant sa ligne de conduite. Oui, étrangement, l’Amérique capitaliste est moins individualiste que nous ne le sommes. Ce sont en fait les carences de la société américaine (au premier rang desquelles les inégalités) qui expliquent, je crois, la prégnance du religieux et de l’entraide. Aux USA, tu es obligé de faire un peu attention à ton voisin ! C’est ce qui explique, je pense, la force des syndicats, des mouvements de résistance et de contreculture aussi.
Tous ces gens que j’ai côtoyés durant mon séjour sont aujourd’hui des Trumpistes… mais j’arrive à discuter avec eux. Ils sont le reflet d’une Amérique populaire et simple —souvent “miseducated” (il n’y a pas vraiment de traduction en français… quelque chose entre “mal” et “sous” éduqués)… une Amérique qui renvoie et qui génère de l’affection et de la chaleur. Je l’aime vraiment.
À mon retour en France, j’ai coupé pendant plus de dix ans avec ma famille d’accueil, car tout avait été compliqué avec eux, voire dur : je n’étais à l’époque de mon séjour qu’un gamin de 16 ans et ils m’avaient attaqué sur ce que j’étais, sur mes idées, etc. II y avait des choses que je n’avais pas acceptées. Mais plus tard, on a renoué. Je dois reconnaître que tous ces gens que j’ai côtoyés durant mon séjour sont aujourd’hui des Trumpistes… mais j’arrive à discuter avec eux. Ils sont le reflet d’une Amérique populaire et simple —souvent “miseducated” (il n’y a pas vraiment de traduction en français… quelque chose entre “mal” et “sous” éduqués)… une Amérique qui renvoie et qui génère de l’affection et de la chaleur. Je l’aime vraiment. Après, il ne faut pas perdre de vue que cette Amérique cause de sacrés dommages au monde et à la planète… et qu’elle s’en contre-fout ! C’est donc compliqué !
Mon parcours depuis mon séjour PIE
Le retour dans le système éducatif français est violent. Je décide d’aller en internat, parce que le lycée est trop loin de chez moi et parce que j’ai pris goût à une certaine liberté et que je ne me vois pas forcément revivre chez mes parents. Année pénible : j’arrache mon bac de justesse, malgré mes 20/20 en anglais et en physique/chimie. Le reste c’est la cata.
Ma terminale est marquée par mon investissement en politique. Je suis sur tous les fronts : dans les mouvements lycéens, au niveau syndical, au niveau local, régional et national… Côté études, je change totalement de direction : j’abandonne définitivement les sciences et je choisis de faire de la communication (autour d’une majeure en “Sciences politiques” et en “Anglais”). Je fais un master à Lyon, puis je file à Paris pour finir mes études, avec, déjà en tête, l’idée de rentrer dans la fonction publique. Je prépare les concours., et en 2010, j’entre à la Mairie de Paris.
Concrètement, c’est mon séjour aux USA qui m’a amené à la politique. Je pense que cela dépasse le contexte (de l’après “11 septembre” et de mon lieu de vie). Je crois que contrairement à une idée reçue, les Américains sont beaucoup plus politisés que nous. L’investissement syndical et politique au moment des élections par exemple est impressionnant (spots de pub, campagne, affichage dans les jardins). Les gens prennent plus position qu’en France. Ils parlent moins politique mais ils sont plus dans le combat. Le pays à ce niveau a toujours été pour moi une source d’inspiration, avec ses bouleversements majeurs (Obama, Trump, le mouvement “Woke”, “Black Lives Matter”, etc.), ses remises en question radicales.
PIE s’inscrit dans une phase particulière de l’existence, une période faite de souplesse et d’insouciance qui rend le projet forcément un peu audacieux mais qui lui donne toute sa puissance.
Ma relation à PIE
En rentrant, j’ai été scotché par l’outil PIE : l’action associative, le journal, la “communauté” (dont on parlait tout à l’heure), la transmission par les pairs… un outil dédié aux adolescents, un levier pour leur permettre de sortir de leur carcan. Je crois à la construction d’un monde décloisonné et je pense que PIE est une brique essentielle de cette construction.
J’avais aussi le souvenir d’Annie qui avait validé ma candidature et qui m’avait donné ma chance. PIE c’est de la bienveillance. Je voulais prendre le relais. Voilà comment j’ai débarqué comme bénévole. Aujourd’hui j’ai un peu de bouteille, on me confie les “dossiers” un peu chauds ou compliqués. J’aime bien ça.
Je vois aussi PIE comme une chance pour moi : faire partie de cette large équipe (avec des profils si variés et si riches, tous ces gens que j’aime beaucoup), et puis… rester en contact avec les jeunes générations (discuter avec les ados, être présent à leurs côtés, vivre leurs métamorphoses et leurs atermoiements)… ça me passionne et ça me rajeunit.
On vante toujours à PIE la notion de “Départ” et celle aussi de distance et de durée, mais on oublie —ou l’on met moins en avant— l’âge. Or, selon moi, partir à 15 ou 17 ans, c’est cela qui est primordial : PIE s’inscrit dans une phase particulière de l’existence, une période faite de souplesse et d’insouciance qui rend le projet forcément un peu audacieux mais qui lui donne toute sa puissance.
Si je n’étais pas parti avec PIE…
Ah ! Je pense que je serais en train de déprimer dans un boulot qui ne me convient pas. Peut-être chimiste, mais quelque part un peu contraint. Avec toujours plein d’idées en tête, mais sûrement un peu coincé, et certainement pas épanoui…. comme emprunté. En fait, je crois que si je n’étais pas parti, je ressemblerais un peu au système scolaire français… En partant, j’ai appris à choisir et à tracer ma propre voie.