Jour A

Voiture, route américaine, High schoolEn image : la journée d’Éléa

24 HEURES DANS UNE “HIGH SCHOOL” AMÉRICAINE
Par Éléa, Colombia, Missouri
Une année scolaire aux États-Unis

Dans mon lycée américain, nous avons deux emplois du temps différents dans la semaine (un pour les jours A et un pour les B): ils alternent un jour sur deux.

Les jours B, nous arrivons plus tôt à l’école car ma mère d’accueil, Robin, qui est professeur de journalisme au lycée où je suis inscrite, a son premier cours à 7h30 avec la classe de «Yearbook». Le «Yearbook» est, comme son nom l’indique, un livre qui retrace toute l’année du lycée. C’est un livre dédié aux lycéens et rempli de souvenirs. Ces jours-là, il n’y encore personne sur le parking, car les autres classes n’ont pas commencé. Mais ce matin — qui est un jour A — comme nous arrivons une heure plus tard, le parking est bien rempli. Beaucoup d’élèves viennent pour travailler avant les cours.

High School USA, cours, professeurQuand nous arrivons devant la salle de Robin, une ribambelle d’élèves, des amis pour la plupart, sont assis par terre à attendre: ils attendent qu’elle ouvre la salle. Ces élèves sont soit dans la classe, soit dans celle du journal du lycée. Je fais partie de cette deuxième catégorie. C’est une classe très conviviale qui ne ressemble pas du tout à une classe classique. L’endroit est toujours empli de gens très avenants, qui prennent des nouvelles, qui proposent leur aide, discutent, racontent des histoires. C’est l’un des endroits que je préfère dans le lycée. Un peu plus tard une amie arrive. Son poste de travail est juste à côté du mien. Elle est l’éditrice des photographes du journal du lycée. Et donc mon éditrice! Je suis officiellement une photographe, donc mon travail consiste à prendre des photos pour le numéro papier du journal du lycée, mais aussi pour le blog du lycée, et également pour mon blog personnel —qui fait partie intégrante du travail que je dois faire pour cette classe. J’aime beaucoup aider la section artistique du journal (responsable de toutes les illustrations). C’est une petite équipe, extrêmement efficace qui réalise un travail extraordinaire qui m’impressionne toujours.

Quand la sonnerie de 8h50 retentit, chacun récupère ses affaires et se dirige vers sa classe. La salle où je dois me rendre n’est pas très loin, alors je prends mon temps. Des amis m’attendent et nous traversons ensemble le «Media Center», cette bibliothèque géante qui diffuse en continu de la musique classique. Sur le mur qui est dos à nous, il y a un énorme drapeau des États-Unis où dans quelques minutes les quelques personnes qui restent, ainsi que le personnel, prêteront allégeance, les yeux fixés sur le drapeau, la main posée sur le cœur. Beaucoup d’élèves viennent travailler au «Media Center». Nous terminons notre route en traversant la grande salle, puis un dernier couloir, et nous y sommes. Ce matin, je commence avec AP Littérature: nous étudions actuellement «The Lowest Animal», de Charles Twain. Pendant cette classe, nous étudions et lisons beaucoup d’extraits de livres, quand ce ne sont pas les livres en entier. J’apprécie. La professeure est très patiente avec moi, et n’hésite pas à m’expliquer quand je ne comprends pas. Je me souviens d’une fois où nous lisions des poèmes écrits en vieil anglais, j’étais complètement perdue, car beaucoup de mots étaient ou s’écrivaient bizarrement. Après les avoir notés, elle n’a pas hésité à prendre le temps de tous me les expliquer.

Le terme «AP» devant le nom de la matière signifie «Advanced Placement» (avancé). Le lycée dispose de plusieurs classes de ce type. La majorité des élèves qui prennent ces classes sont des «Seniors». Ces classes sont un peu plus compliquées que la moyenne, mais c’est un choix totalement assumé par les élèves. Elles s’adressent plus au élèves qui se destinent aux universités, et qui veulent avoir plus d’acquis. 10h30 : la sonnerie retentit: fin du premier cours. Les cours ici durent une heure et demie. Il y a quatre cours dans une journée, ce qui fait qu’elle passe assez vite!

High School, USA, intercours, déplacement dans l'écoleAvec une amie, nous nous rendons ensemble au cours suivant: «Floral Design». Cette classe ne se trouve pas dans le lycée, mais dans un bâtiment non éloigné destiné à une autre branche d’enseignement. Cet organisme propose des classes comme cuisine, pâtisserie ou paysagisme. Ce sont donc des classes plus axées sur le savoir-faire et la technique. Dans cette classe de «Floral Design», nous apprenons à faire des bouquets, des couronnes, des «arrangements», et même si ce n’est pas très compliqué, c’est vraiment agréable d’y venir et tout le monde est toujours très jovial. Nous pouvons écouter de la musique, discuter tranquillement, ce qui est vraiment bien. Le plus souvent, quand nous commençons un nouveau projet, la professeure nous explique et nous montre comment il faut procéder et nous créons à notre tour. Nous commençons normalement par choisir quels matériaux nous souhaitons utiliser, et c’est parti! Nous nous mettons rapidement au travail et à la fin du cours, tout le monde range et nettoie l’endroit où il était sans que la professeure ait à demander quoi que ce soit. Bien sûr, de temps en temps et dans d’autres cours, les professeurs doivent juste faire un petit rappel, mais, globalement, tout le monde est assez autonome sur ce plan-là. C’est, je trouve, assez différent de la France, où à mon souvenir, parfois — voire souvent —les professeurs doivent réitérer leurs remarques— et à plusieurs reprises —avant que leur requête ne soit exaucée. L’heure du «lunch » sonne: il est 12h15, et nous avons 30 minutes devant nous pour manger. Mon amie m’attend et nous rejoignons ensemble l’enceinte du lycée. Nous nous dirigeons vers la cafétéria pour qu’elle puisse acheter son repas. Le mien, comme celui d’autres étudiants, est déjà empaqueté dans ma «Lunch Box». Mon amie n’a pas —à l’image de beaucoup d’autres étudiants— le temps de préparer son repas la veille, car elle travaille souvent avant ou après les cours, et parfois pendant sa pause déjeuner. Ici, dans le Missouri, les gens peuvent commencer à travailler dès 15 ans (cette norme varie d’un état à l’autre). La plupart font ce choix principalement pour payer leurs études universitaires, qui, aux États-Unis, sont très chères.

Nous patientons donc dans la file d’attente ensemble. Elle achète son repas et nous rejoignons une table où des amis nous attendent. Nous prenons notre temps bien que nous n’ayons que trente minutes. Les Américains ne mangent pas énormément pendant le déjeuner, étant donné qu’ils dînent relativement tôt. Cette pause pour manger est la seule de la journée, alors nous profitons aussi de nos amis. De temps en temps, les profs nous laissent 5 à 10 minutes de pause au milieu de leur cours mais cela dépend vraiment de leur bon vouloir.

La sonnerie de 12h50 nous annonce le 3e «bloc» de la journée. Je dis au revoir à mon amie car je ne pense pas que je la reverrai aujourd’hui, et me dirige vers ma troisième classe de la journée: journalisme. Comme je l’ai écrit au début, les élèves peuvent choisir les classes qu’ils veulent. Imaginez donc que c’est bien difficile de constituer des classes de cette manière. Par conséquent, chaque élève a son propre et unique emploi du temps qui sera globalement très différent de celui de son voisin. Avec mon amie nous avons deux cours en commun et après nos cours divergent complètement. C’est donc très différent de la France où prévaut le concept de la classe unique toute l’année. En arrivant dans la salle, la classe se remplit peu à peu et les élèves prennent place sur les chaises libres. Les tables sont agencées de telle manière que tout le monde puisse se regarder, un peu en forme de rectangle. Une fois que tout le monde est installé, « l’éditeur en chef » commence par ce que j’appellerais notre «bulletin du jour». On agit toujours ainsi en début de cours. Il annonce quel jour nous sommes, quelle fête est dédiée à cette date, il évoque les élèves les plus méritants de la classe —ceux qui ont accompli et fourni un gros et bon travail— et ce que chaque section doit faire aujourd’hui. Il y a une section pour les éditeurs, une pour les écrivains, une autre pour les photographes et une dernière pour les artistes. Le plus souvent, nous devons juste continuer notre travail normalement mais quand nous approchons de la date de parution, les éditeurs ainsi que notre professeure (qui est accessoirement ma mère d’accueil) doivent relire et corriger sans cesse le journal entier pour être sûre que rien n’a été oublié. J’aime beaucoup cette classe et encore une fois, je suis fascinée par la façon dont les élèves se mettent spontanément au travail. Et si quelqu’un ne fait pas sa part, cela peut avoir des répercussions importantes sur l’ensemble. Nous avons aussi de grandes discussions lorsqu’il s’agit de couvrir tel ou tel événement. Il faut faire attention au contexte, aux personnes concernées. Par exemple, nous nous demandions si nous devions écrire un article à propos d’une équipe de hockey. Mais notre éditeur en chef nous a rappelé qu’il y avait eu un grave accident d’un élève hockeyeur, qui s’est retrouvé paralysé juste quelques jours plus tôt. Une autre fois c’était à propos d’une arrestation d’élèves du lycée. Nous ne savions pas s’il fallait couvrir le sujet ou non, car si nous prenions cette décision nous impliquions des élèves du lycée. La plupart des élèves sont contents de lire notre journal, il est donc très important de faire attention à ce que l’on y écrit. Nous avons le pouvoir de véhiculer des informations et nous sommes complètement libres : c’est donc une grosse responsabilité. Ce travail nous fait sans doute grandir et rendre l’ensemble de l’équipe de rédaction plus mûre.

Je m’occupe personnellement de prendre les photos que mon éditrice m’a commandées, d’écrire le prochain article pour le blog et d’en organiser les photos. Mon travail sur le blog consiste à poster un article sur les différences entre les États-Unis et la France toutes les deux semaines. C’est une classe assez décontractée où une bonne part du travail est faite en classe. Les relations sont ici beaucoup moins formelles qu’en France. Particulièrement dans cette classe où notre prof est plus considéré comme notre «boss» que notre professeur. Globalement, les élèves vont plus facilement parler à leurs enseignants. Ceux-ci sont plus à leur écoute et j’ai l’impression qu’ils s’investissent plus pour leurs élèves. Étant arrivée après la rentrée scolaire, j’étais un peu en retard sur certaines choses, notamment en mathématiques où il me manquait quelques notions. Mon prof m’a alors envoyé un mail où était noté tout ce que j’avais manqué. Même chose avec ma prof de «Government». Un autre exemple des relations entre élèves et profs —beaucoup plus décomplexées—: c’était avant Noël; ma mère d’accueil m’a demandé si je voulais donner des petits cadeaux à mes professeurs. Au début, je trouvais cette idée un peu enfantine, sachant que la dernière fois que j’avais fait ça remontait au CE2. Mais après avoir vu d’autres élèves le faire, je me suis dit: «Après tout, pourquoi pas?». Et tous mes profs ont vraiment apprécié! Une autre fois, après avoir rendu un gros projet à ma prof de conception d’intérieur, et lui avoir offert le petit cadeau, elle m’a fait un «hug»: elle était vraiment contente.

Tout ici est axé sur la réussite de l’élève. Ce que je veux dire par là, c’est qu’ils sont toujours très positifs dans leurs méthodes et leurs appréciations. Quand un prof nous rend un test et que nous voulons récupérer quelques points, nous pouvons corriger nos erreurs. Cela ne veut pas simplement dire « écrire au stylo vert par dessus ce qu’on a écrit auparavant », cela signifie que nous devons réécrire une copie en indiquant de quelle question il s’agit, quelle réponse nous avions donnée, pourquoi nous avions choisi de dire cela, et ensuite indiquer quelle est la réponse correcte, ainsi qu’une preuve de nos affirmations, avec des références au cours et/ou aux manuels. C’est un moyen de replonger dans ce qu’on a étudié tout au long de la séquence et de rattraper des points en ayant compris nos erreurs. Cette approche différente est axée sur une vision positive et sur l’auto-évaluation. Une question revient souvent: «Qu’est-ce que nous avons préféré faire? qu’est-ce qui nous a le plus plu ? et qu’est-ce que nous aimerions changer?». Ils ne demandent pas de choisir ce que nous n’avons pas aimé faire, mais quelle modification nous choisissons d’apporter.

14h30 — Je range mes affaires, prends mon violon et me rends dans mon dernier cours de la journée : Orchestre. Nous jouons et apprenons des morceaux que nous présenterons durant un concert, avec les autres corps musicaux du lycée, notamment l’orchestre de chambre et la chorale. Je suis surprise quand la sonnerie me prévient que l’heure et demie est passée.

Le lycée propose, après les cours, une multitude d’activités. Elles sont appelées «clubs». Il y a de tout: club de maths, «défense contre les zombies», tournois de débats ou encore «Armée de Dumbledore». C’est vraiment dans ces clubs et à l’occasion de ces activités que l’on rencontre le plus de gens. On partage, avec ceux qui s’y rendent, les mêmes passions, ce qui rend les échanges plus faciles et spontanés. Les clubs ont lieu une fois par semaine et commencent quelques minutes après la fin des cours et durent généralement une heure… de telle sorte qu’à 17 heures, nous sommes libres. Il y a une exception : les clubs sportifs. Ceux-ci se déroulent parfois pendant deux heures et tous les jours de la semaine, avec souvent une compétition par semaine. Beaucoup d’Américains prennent vraiment le sport à cœur. Je faisais partie d’une équipe de «Cross-country». La saison s’est terminée à la fin de l’automne. Nous avions entraînement tous les jours ; parfois juste une course à pied d’une heure ou de trente minutes, parfois une séance plus rapide, mais axée sur le cardio, donc plus éprouvante. Nous avions aussi une fois par semaine de la musculation et tous les samedis une compétition. La saison est finie. Maintenant que j’ai plus de temps pour moi, j’essaie de découvrir un peu tout et de voir ce qui me plaît.
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Vers 17 heures, je rejoins Robin. Je dis au revoir aux quelques élèves qui restent, et nous reprenons la route de la maison.

Article paru dans le Trois Quatorze n° 57