La pièce fantasmagorique

9 candidats au séjour d’une année scolaire à l’étranger se projettent dans l’avenir et répondent à trois questions : “Comment imaginez-vous votre famille d’accueil ? Le premier jour, que ferez-vous avec elle ? Avez -vous déjà rêvé de votre séjour ?”.

“En vérité, dans le coeur de chaque homme est une salle dorée, où il vit le ravissement, et aussi sombre que paraisse son chemin, chacun n’en porte pas moins à sa ceinture une sorte de lanterne sourde. Personne ne vit seulement dans la réalité extérieure, parmi les sels et les acides, mais d’abord dans la chaude pièce fantasmagorique de son cerveau”. Il se pourrait que cette pensée de Robert Louis Stevenson (l’auteur de ‘L’île au trésor’) s’applique assez bien à nos candidats au départ. Et si c’était le cas, il semblerait que cette pièce fantasmagorique soit tapissée en grande partie de chaleur et d’amitié. C’est l’impression que laissent les 27 courtes réponses qui suivent.

DELPHINE (Norvège)
La maison sera en bois. Il y aura des enfants. Un chien je crois. Une famille très vivante, très sympa. Je vois ça pas très loin de la ville, mais pas en ville. J’aurai plein d’ami(e)s, qui seront grand(e)s et blond(e)s. C’est un peu cliché, n’est-ce-pas ? Le premier jour, on ira voir les Fjords. Je ne devrais pas imaginer tout ça… Mais c’est comme ça.

NATACHA (USA)
Je n’imagine rien. J’attends, je verrai.

STEPHANE (USA)
J’imagine très bien comment ça va être. La mère va s’appeler Jenny et le père Christopher (un grand type qui porte la barbe). Les deux enfants auront… 8 et 12 ans. Il y aura une voiture genre 4×4. La maison aussi sera grande, avec un jardin, sans clôture, et un panier de basket accroché à la porte du garage. Dès que je vais les voir ça va être bizarre, parce qu’ils vont être là, en, chair et en os, et que je vais me dire : ‘Il va falloir passer une année avec eux’. Le premier jour on parlera du voyage. Je m’installerai. On fera un tour du quartier. Ca sera sympa.

CELINE (Canada)
Physiquement, comment ils vont être ? Je n’en ai aucune idée.
Le jour de mon arrivée ils vont me sauter dans les bras. Ce sera très chaleureux. Ils seront très gentils. On filera tout de suite à la maison, ils me parleront, on parlera toute la journée. Je crois que se sera une histoire de communication. Il y aura tellement de choses à découvrir. Voilà , je vois ça un peu comme ça.
Je n’ai jamais rêvé. C’est aussi bien comme ça.
De toute façon, je suis prête à tout.

SABINE (Canada)
Je préfère voir plutôt que d’imaginer. J’ai bien des images en tête, mais j’aime autant ne rien prévoir du tout. J’ai peur d’avoir une fausse idée. Mais je crois qu’en arrivant ça va bouger. J’aimerais pas trop faire le tour de la ville pour dire bonjour à tout le monde. Je serai trop crevée.

ELODIE (USA)
Je connais déjà ma famille. On s’est même écrit.
J’imagine assez bien l’arrivée. A l’aéroport, ils vont tous être là, bien américains, en arc de cercle, avec de grands sourires, avec des ballons un peu partout. C’est un peu cliché, mais j’imagine assez les choses comme ça. Ensuite on fera le tour de la ville. Toute la ville. Ca me déplairait pas de faire d’autres choses, mais comme j’aurai pas les yeux très ouverts, je ne crois pas que je retiendrais grand chose.
Oui j’ai fait deux rêves.
Le premier se passe à l’aéroport. J’arrive. J’ai une trentaine de sacs avec moi (alors que d’ordinaire je voyage plutôt léger), et il n’y a personne pour m’attendre. Pas de famille, personne de l’association. Je suis toute seule. Vraiment paumée. Alors je fais des alles et retours de l’avion à la sortie de l’aéroport pour transporter toutes mes valises. C’est horrible. J’arrive à la maison et quatre gros chiens me sautent dessus !
Le second rêve est un grand classique : je vais à l’école en pyjama ! Je suis dans le couloir de la ‘high-school’, un couloir comme ceux qu’on voit dans les series américaines , mais moi je suis en pyjama ! L’angoisse. Je dois dire que je m’étais achetée un pyjama juste avant de rêver ça.

NELLY (Allemagne)
Moi, je connais déjà ma famille… A l’arrivée je ne vois pas d’accueil en fanfare, pas de grand cirque, mais quelque chose de sincère. Beaucoup de chaleur. Je crois qu’il vont d’abord me faire faire le tour de la famille. Comme ça, ce sera fait une bonne fois pour toutes.
Oui, j’ai fait un rêve, un drôle de rêve. Je sais que là-bas ils ont tendance à s’embrasser sur la bouche. Alors moi j’ai rêvé qu’à mon arrivée ma mère d’accueil m’embrassait sur la bouche. C’était un peu angoissant. Je savais pas trop quoi faire.

Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°21