Le système scolaire au Canada

Il y a un an, Trois Quatorze lance auprès de tous ses participants au programme d’une année scolaire à l’étranger, une enquête sur les lycées étrangers. Cette enquête porte sur les structures, les horaires, les relations et les objectifs des différents systèmes éducatifs. L’idée est que chaque jeune nous présente l’école (au sens large) au sein de laquelle il vit et étudie pendant toute une année. Aux informations purement techniques s’ajoutent des commentaires personnels des élèves (différences avec le système français, atouts et complémentarité des enseignements). Après avoir présenté les écoles de Russie, d’Afrique du Sud, d’Allemagne, des États-Unis (N°29) puis de Suède et de Chine (N°30), Trois Quatorze lève le voile sur l’école canadienne. Dans le prochain numéro, cap sur le Japon.

Dix participant(e)s PIE ont répondu au questionnaire. Les commentaires sont nombreux – les réflexions précises – quant à l’enthousiasme des enquêteurs, s’il est flagrant, il ne nuit pas pour autant à l’esprit critique. On notera de façon générale que le système canadien ressemble à s’y méprendre au système américain (ou inversement) – on invitera donc les lecteurs intéressés à se replonger dans l’analyse de l’école US (N°29), et à ceux qui sont intéressés par l’école US à lire les colonnes suivantes.

Structure des études

Comme aux États-Unis donc, le système se singularise par sa verticalité (« Kindergarden » avant 6 ans, puis « Elementary school », jusqu’à 11 ans, puis « Junior High school » de 12 à 14 ans, et enfin « High school » jusqu’à 18 ans). Pratiquement tous les jeunes canadiens passent par cette filière et ses différentes strates, puisque, sauf exception, il n’y a pas de voie parallèle (école technique ou professionnelle) à ce chemin central – la première véritable orientation ayant lieu après la dernière année de « High school ». Au terme de la « senior year » les jeunes s’orientent ou sont orientés vers les « University », les « College » ou vers des écoles professionnelles.
Nos commentateurs apprécient globalement cette structure générale d’études qui « ne prévoit pas de redoublement », et qui offre à tous un tronc commun de formation.

Le diplôme

La « Graduation », diplôme qui clôt les études secondaires, s’obtient au terme d’un contrôle continu effectué sur les quatre années de High school. Pour être « graduate », l’étudiant(e) canadien(ne) doit cumuler un certain nombre de « credits » (le nombre varie suivant les régions et les écoles). Les « credits » sont des points qui se gagnent par matière et par semestre. L’élève doit, bien entendu, obtenir ces « credits » dans des domaines variés (science – langue – histoire…) suivant un barème assez savant, établi par chaque établissement. Les élèves canadiens doivent donc gérer astucieusement leur parcours pendant leurs quatre dernières années de scolarité. Ils sont aidés en cela par un « counselor ». La préférence donnée au contrôle continu sur l’examen final semble satisfaire l’ensemble des enquêteurs PIE. « C’est plus juste », nous dit-on. « C’est plus gratifiant , plus intelligent surtout que le bachotage », et c’est « moins stressant que ces notes aléatoires qu’on nous délivre au bac ». « Moi par exemple, nous dit une jeune Française, j’avais eu 12 de moyenne en philo et je me suis retrouvée avec un 5 le jour de l’examen… C’était peu significatif et râlant. » « Au Canada, les élèves ont autre chose en tête que le bac, les notes et les coefficients. »
On notera également que l’obtention de la « Graduation » est l’occasion d’une fête, qui frappe les esprits français, par « sa grandeur, son organisation, son faste » et « l’enthousiasme général qui se dégage de cet événement-là ».

Rythme scolaire

L’année canadienne est divisée en deux semestres (août-septembre à février / février à mai-juin). Les matières étudiées et les emplois du temps changent d’un semestre à l’autre. Les élèves reçoivent 2 bulletins par semestre (soit 4 par année). Les « credits », on l’a vu, sont d’ailleurs distribués au terme de chaque semestre.
Les cours ont lieu du lundi au vendredi. Ils commencent généralement à 9 heures, donc beaucoup plus tard qu’aux USA, « pour permettre aux lycéens qui habitent loin dans les campagnes d’être à l’heure en cours, sans pour autant se lever aux aurores », et « pour des raisons climatiques ». Les cours durent entre 40 et 52 minutes. Un de nos enquêteurs note, à ce propos, que « les disparités régionales et locales sont énormes au Canada » – « plus encore qu’aux Etats-Unis, puisque ici chaque région a son propre gouvernement ». « Les journées sont plutôt bien équilibrées », juge une participante : « En général 3 heures le matin et 3 heures l’après-midi – très peu de devoirs à faire à la maison, puisqu’on fait presque tout en classe, y compris les révisions pour les contrôles. » « L’emploi du temps, conclut une autre participante, est plus harmonieux qu’en France » – le soir vous n’êtes pas sur les rotules, il vous reste du temps et de l’énergie pour faire autre chose : sortir, jouer, travailler une activité personnelle. » Deux bémols pour finir : « On ne peut s’avancer dans son travail, car on nous donne tout à faire au jour le jour » – « Quant aux cours qui se répètent dans le même ordre tous les jours de la semaine, personnellement, je trouve ça un peu monotone. »

Matières

Profusions de matières et choix multiples sont les deux traits principaux des écoles canadiennes. Cet état de fait singularise nettement la scolarité nord-américaine de la scolarité française. En général deux à trois matières sont obligatoires (« English » & « History ») et les autres sont optionnelles. Certaines écoles proposent des domaines obligatoires (« Sciences », « Language », « social sciences »), domaines à l’intérieur desquels l’étudiant choisit ses matières. Même si l’autonomie de choix est limitée par les cours imposés pour obtenir sa « Graduation » (x nombres de crédits dans x domaines) nos consultants apprécient particulièrement le fait qu’une réelle liberté ou indépendance soit laissée à l’élève dans le choix de ses matières et dans la gestion de son parcours scolaire. « C’est vraiment flexible », nous dit-on. D’autant que la palette de cours est large (matières classiques et matières plus innovantes – Internet, Cinéma, Anthropologie… -, ou plus surprenantes – Lois sur la consommation, Comportement humain, Travail du bois, Différences USA/Canada, Transport automobile… Impossible d’énumérer toutes les matières ! « Moi, souligne une participante , j’ai pris « Life transitions », un cours où j’apprends à faire face à certaines situations de la vie de tous les jours, et qui me prépare surtout à prendre des décisions – c’est très épanouissant. »
Tous les enquêteurs nous parlent de la place importante faite aux arts et au sport. On note, sans s’en étonner, qu’à côté des classiques (« Football » , « Baseball », « Basket », « Natation ») les sports de neige et de glace (« Hockey », « Curling »…) sont plus développés que chez le cousin américain. « En sport, nous dit l’un des participants, on reçoit trois notes : une première pour son niveau de jeu et son comportement, une seconde pour la tenue de son press-book (recueil d’articles sur son sport et sur son équipe) et une troisième pour le « Community service » (participation au nettoyage des vestiaires…). » Un autre enquêteur s’amuse du nom donné au football américain dans son pays d’accueil : « On l’appelle le « Canadian Football. » » Quoi de plus logique, pourtant !

Relations et attitudes

Convivialité, ouverture, simplicité, cordialité sont les mots qui reviennent le plus souvent pour qualifier les relations entre les professeurs et les élèves, ainsi qu’entre élèves. « Ces relations engendrent la bonne humeur » – « l’entente avec le corps enseignant est très bonne » – « il y a beaucoup d’amitié et un grand respect des uns envers les autres » – « Si vous avez un problème il y a toujours quelqu’un pour vous aider, et ainsi tout paraît plus facile » – « Le prof n’est pas le « supreme boss » qui détient tous les pouvoirs, c’est plutôt quelqu’un avec qui on discute – c’est l’idéal pour apprendre et avoir envie de travailler » – « Entre élèves et profs on rit beaucoup, même pour se moquer, mais c’est toujours gentil »… L’école canadienne s’avère être un vrai lieu d’échanges, un monde à part entière avec sa cohérence sociale.
Un de nos rapporteurs apprécie particulièrement « l’absence totale de compétition entre élèves en ce qui concerne les résultats scolaires ». Ce point ne manquera pas de surprendre tous ceux qui pensent – à juste titre souvent – que l’Amérique du Nord est le lieu du « toujours plus » (plus grand, plus loin, plus fort…), le lieu de la compétition par excellence. Il est très intéressant de noter que cette vérité n’en n’est pas une au niveau de la formation, et de s’interroger sur la signification et les conséquences de ce fait. Cette absence de compétition entre élèves au niveau des notes pourrait, par exemple, expliquer cette statistique : 9 enquêteurs sur 10 jugent les élèves canadiens détendus, agréables, et tous estiment qu’ils sont heureux d’aller à l’école. N’est-ce pas un bon point à mettre à l’actif du système ?
Du point de vue négatif, on retient ces deux réflexions : « Les gens s’entraident, mais il y a beaucoup de groupes très clos », et « J’ai l’impression qu’ici tout le monde sait tout sur tout le monde. »

Objectifs

Nos enquêteurs, quand ils évoquent les objectifs de l’école canadienne, parlent en terme de complémentarité avec l’école française. « Cette école tente de développer le sens de la communication », « le goût pour le travail », « elle se donne l’objectif d’éduquer », « d’apprendre à appréhender la vie, de prendre confiance », « elle vise à l’épanouissement personnel, à l’équilibre. » Par contre, et contrairement à notre école, « elle s’intéresse assez peu aux acquis, aux connaissances pures, au travail personnel, à l’expression écrite ». Les notions de « bosser dur » ou de « s’accrocher pour passer un exam » ne semblent pas très canadiennes.
Sur certains points les avis sont partagés. « L’école canadienne prépare très bien au monde du travail », dit l’un. « En sortant de la « High school » les élèves n’ont aucune qualification », dit une autre. D’un côté on entend : « Au Canada on donne son opinion, on apprend à raisonner, on apprend la dialectique », et de l’autre : « le système français est beaucoup plus porté sur la réflexion et l’analyse. »

Tous reconnaissent l’importance qu’accordent le système et les enseignants canadiens à la mise en valeur de l’individu : « Ici, on veut que l’on s’exprime, que l’on construise son chemin, on nous montre qu’on est des êtres humains doués d’intelligence, et qui doivent construire leur vie. » La prise d’autonomie semble bien être un des objectifs principaux de cette école.

Si dans l’ensemble les jeunes Français qui font leurs études au Canada plébiscitent donc – et avec enthousiasme – son système scolaire, certains relativisent : « Je crois qu’il y a du bon et du mauvais dans le système français comme dans le canadien » ou ajoutent, fort justement, : « Il y aurait certainement de bonnes choses à copier en France, mais je ne suis pas sûr que, tel quel, le système fonctionnerait bien dans notre pays. »
Une raison supplémentaire d’envisager un séjour d’une année au Canada !

Anedocte

« Si un prof a fini son cours avant l’heure, les élèves rangent leurs affaires et se rassemblent. Ils ne sortent pas, mais ils discutent souvent avec le prof. C’est vraiment très cool. »

 

Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°31