REMONTER SUR MON NUAGE
Camille, Glenwood City, Wisconsin
Un an aux États-Unis
Ça me fait bizarre de vous écrire moi qui ai l’habitude de vous lire. Il y a quelques mois encore, je lisais les histoires des anciens, pleine d’envie et de peur aussi en me disant: «Bientôt, ce sera ton tour!». Et bien voilà, c’est chose faite. Voilà presque un mois que je suis arrivée sur le sol américain. Je ne vais pas vous le cacher, les premiers jours ici ont été plutôt difficiles.
Je ne m’attendais pas à un tel choc culturel et je ne pensais pas que ma famille me manquerait tant. Avant le départ, j’étais sur mon petit nuage. Je n’arrivais pas à me rendre compte de ce qui allait m’arriver. Le simple fait de faire ma valise a été une épreuve (maman tu sais de quoi je parle!). Il faut s’accrocher et s’acharner pour concrétiser son rêve américain.
Mercredi 29 août.
La grande date… Le jour J. À l’aéroport, j’ai eu du mal à quitter mon petit frère que j’aime tant. Quand l’avion a décollé, mon ventre s’est serré très fort. Les premiers contacts avec ma «Host family» ont été excellents, mais la fatigue et l’excitation étaient si grandes que mon cerveau n’était plus vraiment dans son état normal. Ce n’est que le matin, au réveil, que je suis brutalement redescendue sur terre. Je me suis dit: «Ça y est, tu y es enfin!»… et j’ai compris alors que le lit dans lequel je me réveillais allait être le mien pour dix mois.
La préparation du voyage (tant au niveau psychologique qu’administratif) à été éprouvante et pleine de rebondissements. Je passe des coup de blues aux découvertes; je m’émerveille de la moindre petite chose. Mon niveau d’anglais durant ces premiers jours est une catastrophe. Je ne comprends pas tout… voire rien du tout. Mais je laisse les choses suivre leur cours… et je finis par comprendre une infime partie de ce qui se passe. J’ai pris l’habitude de ne pas trop comprendre. Ma phrase favorite est devenue: «Ah, ah, yes! Can you repeat please, I don’t understand?»
Lundi 4 septembre.
La rentrée des classes a été plutôt impressionnante. Je suis dans un petit lycée de 200 élèves: ils se connaissent tous. J’arrive donc un peu comme une «intruse». Lors de son discours de bienvenue, le proviseur m’a présentée devant tout le lycée. Beaucoup d’élèves sont venus me parler. C’était tellement frustrant de ne pas pouvoir comprendre tout ce qu’ils disaient et de ne pas pouvoir leur dire tout ce que j’avais à leur dire (je parle au passé, mais c’est toujours un peu le cas…). Je suis allée voir mon premier match de football: «Awesome», comme ils disent. Je deviens une fan absolue de ce sport. J’ai eu du mal à me faire de «vrais» amis.
Mon sale anglais ne m’aide pas, et par dessus le marché, je suis timide! Mais je parle maintenant à beaucoup de monde. Les profs sont incroyablement accueillants. Ma «Host Mom» me les a tous présentés. Ils s’extasient tous du fait que je joue de la guitare (car ils ne jouent que des instruments à vent). J’adore faire partie de l’orchestre de l’école, c’est impressionnant ; je me suis mise aux cymbales et je peux donc participer aux fameux «Marching Band»: on parade dans les villes alentour. Je m’éclate aussi dans le cours d’art où je peux laisser parler ma créativité à 100%, je n’ai jamais vu de ma vie autant de matériel, la prof «adore» tous mes travaux, ça fait plaisir.
Il y a aussi eu le fameux «Homecoming»: hallucinant! Je me rends compte que le temps passe vraiment vite. J’ai déjà fait tellement de choses. Je me suis inscrite au «Cross Country». Parfois je me dis que je suis un peu maso, car c’est éprouvant. Moi qui n’ai jamais fait plus de deux heures de sports par semaine, je suis passée à deux heures de sports par jour, le soir qui plus est ! On court partout et par tous les temps: on court dans l’herbe, on monte, on descend… dans la terre ou dans la boue… qu’il pleuve ou qu’il vente! Malgré tout ce sport, je prends du poids. C’est déprimant. C’est sûrement l’alimentation. Ici, on ne fait pas de «vrais» repas autour d’une table; on grignote sur le pouce toute la journée.
En cours, mes résultats ne sont pas excellents. J’aimerais pouvoir faire mieux —je représente la France, tout de même!— mais j’ai encore du mal à comprendre. Parfois, je me dis: «Sérieusement, qu’est-ce que tu fais là?!» Je pourrais encore vous parler pendant des heures, mais je ne voudrais pas prendre toute la place dans le journal! J’écris un blog, et je me rends compte que j’adore ça : raconter mes petites histoires et toutes les anecdotes de mon quotidien (même celles où je ne suis pas mise en valeur). Je suis fière d’avoir presque achevé mon premier mois, sans trop de séquelles. Je crois que je suis en train de faire des progrès en anglais.
Il y a peu, j’ai réalisé que j’avais réussi à parler avec une fille normalement, sans faire ma tête de poulpe argentin confus. C’est anecdotique, mais ça me réconforte. Je ne vais pas vous cacher non plus qu’il ne se passe pas une journée sans que je pense à Mathis, mon petit frère, ainsi qu’à ma maman et à mon papa et à toute ma famille. Quand je reçois leurs lettres où quand je leur dit au revoir sur Skype, je sens monter les larmes.
Je ne savais pas qu’il me fallait partir si loin, pour réaliser que je les aimais vraiment. Pour moi, tout est un peu comme dans un film et comme dans un rêve. J’apprends ici en une journée, ce que j’apprenais en France en un mois. Je conseille une expérience de ce genre à toux ceux qui ont la possibilité de la vivre. Personnellement, pour rien au monde je ne rentrerais en France avant la date fatidique. Même si tout n’est pas simple, je fais en sorte de vivre le plus sereinement possible l’année la plus folle de ma vie. Mon travail consiste à remonter peu à peu sur mon nuage.
Merci beaucoup de m’avoir lue. Et merci PIE de me permettre de vivre tout ça, je vous serai éternellement reconnaissante. Et merci à ma maman, papa… Je finis en trois mots: «Je suis heureuse!»