Pourquoi partir ailleurs qu’aux USA ?

A PIE, on les appelle les ‘Petits pays’. Leurs vrais noms : La Russie, l’Australie, l’Afrique du Sud, le Mexique, le Brésil… Leur superficie : 22, 7 ou 2… millions de km2 !

Participants PIE aux "petits pays"On dit de ces pays qu’ils sont ‘petits’ car, chaque année, par l’intermédiaire de notre association, peu de jeunes choisissent de s’y rendre. Alors que la plupart des participants optent pour le ‘monstre’ américain, son cousin canadien ou notre voisin allemand, quelques rares franc-tireurs choisissent une destination plus lointaine (Nouvelle Zélande, Japon…), plus surprenante (la Thaïlande) ou plus originale (la République Tchèque…).

Pourquoi est-on attiré par ces contrées ? Comment en vient-on à vouloir y passer toute une année ? Comment mène t-on à bien un tel projet ? Questions posées aux intéressé(e)s.
Réponses quelquefois surprenantes, toujours teintées de détermination et parfois d’un brin d’exotisme et d’inconscience.

Trois Quatorze : Odyssée, tu pars demain, et pour un an, en Thaïlande. Est-ce que tu parles le thaï ?

Odyssée : Non je ne le parle pas du tout. Je sais dire ‘Oui’ et ‘Non’ et ‘Bonjour’. C’est tout. Ce sont mes bases. Mais ça ne m’affole pas vraiment. Je viens de m’y mettre et ça n’a pas l’air d’être une langue trop difficile. Il n’y a pas de conjugaison et pas trop de grammaire.

Trois Quatorze : Et le tchèque alors ?

Yannick : Je connais un peu le tchèque car j’ai passé un mois là-bas. Ce n’est pas une langue très difficile non plus. Il n’y a pas de conjugaison.

Trois Quatorze : Est-ce que vous choisissez votre destination en fonction des conjugaisons ?

Mélanie : On ne peut pas dire ça pour l’espagnol. Les conjugaisons sont nombreuses et difficiles. Par contre c’est une langue magnifique.

Elina : Le russe est difficile aussi… Mais si beau ! Les noms surtout. J’aime les noms russes. C’est très exotique. Et j’aime la littérature. Tout bien réfléchi, la beauté de la langue est ma première motivation.

Trois Quatorze : Et les autres, pourquoi partir si loin, si longtemps ?

Marion : Moi c’est également pour la beauté de la langue.

Cynthia : Moi je suis plutôt timide. J’ai choisi le Mexique parce que les gens sont chaleureux et ouverts et qu’ils m’aideront à m’intégrer. Et puis aussi pour le soleil.

Mélanie : L’Espagne, parce que les Espagnols sont cools et fêtards et que l’architecture est magnifique (très influencée par la culture arabe que j’aime particulièrement).

Odyssée : Je pars pour la boxe. La boxe, c’est ma passion et la boxe thaï m’intéresse vraiment. A la Rochelle, où j’habite, il y a un club, mais les horaires ne sont pas pratiques et les cours pas assez intensifs. Je pars là-bas pour gagner des années d’apprentissage.

Yann : Quand j’ai choisi ma destination, j’ai vu le nom Afrique du Sud et j’ai su que c’était là que j’irai. C’était plus fort que moi. Y’a un truc à l’intérieur qui m’a dit que c’est là que je devais aller. C’était pas forcément cohérent, c’était plutôt instinctif. Comme une attirance, une histoire de feeling. Ce qui était raisonné dans ma décision, c’était juste le fait de partir dans un pays de langue anglaise. Depuis je me suis beaucoup renseigné sur le pays et je sais que j’ai fait le bon choix. L’Afrique du Sud c’est un grand mélange. Il y a de tout. Et ça, ça m’intéresse.

Stanislas : La curiosité, voilà ma première motivation. Le changement complet. L’absence de repères. J’ai une amie qui est partie là-bas et qui m’a dit qu’il n’y avait pas de papier toilette ! C’est peut-être ça la différence. On croit connaître les Japonais parce qu’ils se déplacent vers nous. Mais on est si peu nombreux à aller voir ce qui se passe là-bas.

Yannick : Je pars également pour la culture. C’est le dépaysement qui m’attire. J’ai plus été motivé par la République tchèque que par le fait de partir un an. Je ne serais pas parti aux USA, par exemple.

Trois Quatorze : Lequel (laquelle) d’entre vous a hésité à partir aux États-Unis ?

Tous en choeur : Pas moi.

Mélanie : C’est banal. Et je n’aime pas l’anglais.

Stanislas : On connaît les USA. C’est pas très original : la culture, tout… Il n’y a pas de surprise.

Anaïs : Et puis l’anglais, de toute façon, on peut l’apprendre partout. Regarde Yann en Afrique du Sud.

Trois Quatorze : A quelques heures du départ, quelles sont vos craintes ?

Yannick : J’en ai deux. La ville (je vais vivre en ville et je suis originaire de la campagne) et le froid (j’habite dans le sud).

Odyssée : Moi, j’en ai qu’une : la nourriture. Le riz et tous les trucs qui piquent. Les sauces, tout ça. Je me demande si je m’habituerai. Depuis un moment je m’entraîne. Je me force à manger du riz.

Trois Quatorze : La nourriture t’inquiète plus que la langue et que l’école ?

Odyssée : Parler on y arrive toujours. Je parlerai avec les mains.

Anaïs : J’ai la même inquiétude pour la nourriture japonaise. Surtout au niveau du petit déjeuner. Le riz au petit déjeuner, je crains beaucoup. Sinon je suis plutôt relax. Pour moi, partir, c’est quand même un rêve.

Trois Quatorze : Et tu n’as pas peur que face à la réalité le rêve soit brisé ?

Anaïs : Pas au Japon, non ! Aux USA peut-être, mais pas au Japon. Il y aura trop de choses nouvelles, trop de choses à apprendre ! Ce sera forcément riche.

Trois Quatorze : Odyssée, tu pars pour la boxe. Tu rêves de boxe. Mais tu seras peut-être déçu par le club ou l’école de boxe. Ton entraîneur sera peut-être dur, désagréable ?

Odyssée : Tant mieux s’il est dur. Alors, j’apprendrai plus vite.

Clothilde : Mes craintes doivent être plus classiques. J’ai peur de la langue et j’ai peur de ne pas m’adapter. J’ai peur de faire des gaffes en fait. Des trucs tout bêtes qui seraient mal pris !

Anaïs : C’est vrai qu’au Japon, il y a des choses qu’il ne faut absolument pas faire. Comme planter sa baguette dans la nourriture. Il paraît que c’est très mal pris.

Elina : J’ai vraiment l’impression que je ne sais pas où je vais. J’arrive pas à croire que demain matin je suis à Moscou. Et je me demande ce qui m’attend. Il y a quelque chose d’irréel dans tout ça.

Marion : Un an ! J’ai peur que ce soit trop long.

Stanislas : Moi j’ai peur que ça ne suffise pas, et qu’au bout d’une année je me trouve encore trop différent des Japonais. J’ai peur qu’au bout du compte il y ait trop de choses qui m’échappent et qu’après toute une année je me sente encore gêné, pas à ma place, comme un français en exil.

Yann : Moi j’ai peur des requins !

Trois Quatorze : Sérieusement ?

Yann : Très sérieusement. Il faut savoir qu’en Afrique du Sud ce ne sont pas des roussettes. Les bêtes font 6 mètres de long. Il y en a beaucoup et il y a beaucoup d’accidents ! De mon côté, je sais que je vais aller souvent à la plage et pratiquer le surf, alors j’ai de quoi avoir peur.

Trois Quatorze : Mais pourquoi alors avoir choisi l’Afrique de Sud ?

Yann : Mais justement parce que j’aime ces bêtes. Elles me fascinent. A vrai dire, je ne l’ai pas avoué tout à l’heure, mais j’ai en partie choisi l’Afrique du Sud pour les requins. Je les adore et c’est en Afrique du Sud qu’on en voit le plus… Et les plus beaux.

Trois Quatorze : La dimension exotique me paraît être au coeur de vos motivations ?

Stanislas : Pas pour moi . En tout cas pas seulement. Car je n’ai pas parlé d’un autre aspect essentiel : moi, je pars aussi pour faire peau neuve. Ici j’ai l’impression de me connaître par coeur. Là-bas, je pourrais tout recommencer.

Clothilde : Ça devrait m’aider à grandir. En choisissant de partir un an on décide de s’affranchir un peu des parents.

Yann : C’est un défi qu’on se lance à soi-même.

Trois Quatorze : Ceux qui partent aux USA peuvent dire la même chose, non ?

Yann : Pas tout à fait – pas de la même façon en tout cas. Car ce qui nous attend est plus inattendu.

Clothilde : Moi, je n’aime pas parler en terme de défi. Je n’ai rien à me prouver.

Odyssée : Moi, si !

Trois Quatorze : Est-ce qu’on peut rapprocher ton goût pour la boxe et ce défi que tu te lances ?

Odyssée : Peut-être, oui, peut-être.

 

Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°27