10 images ne suffisent pas à décrire le long et lointain voyage d’Élise en Alaska. Mais elles permettent de dessiner les contours de la petite révolution qui la ramènera dans quelques semaines à son point de départ… profondément changée, profondément elle-même.
Élise, Eagle River, Alaska
Une année scolaire aux États-Unis — Images : @Elise

RENCONTRE — C’est Charlotte, ma meilleure amie. Première sortie ensemble, première photo. On était dans la même classe de français ; un jour elle m’a vue qui rentrait seule à pied du lycée ; elle m’a proposé de me raccompagner. Et à partir de ce jour-là et jusqu’à ce que je change de famille, elle m’a emmenée et ramenée tous les jours. Là, nous sommes à la mi-septembre. Charlotte m’a proposé de faire une randonnée. À priori, je ne suis pas trop randonnée, mais ce jour-là, j’ai dit oui. Aucun regret : c’était magnifique. Et j’ai rencontré à cette occasion sa mère et sa chienne Lily.

TOP TIER — Je ne m’y attendais pas, mais en Alaska, j’ai découvert le hockey… et j’aime beaucoup ça. Je viens des Alpes, mais je ne m’étais jamais intéressée à l’affaire. Je n’avais jamais patiné. Comme Charlotte est une passionnée, je suis allée la voir à plusieurs matchs et j’ai fini par essayer. Un jour, Charlotte m’a dit : “Ça te dirait de devenir “Team manager” de l’équipe ?”J’ai répondu : “Je ne sais pas ce que c’est, mais pourquoi pas !” En fait “Team Manager” c’est une sorte de régisseur. J’aide, je remplis les bouteilles d’eau, je check un peu l’environnement de l’équipe, je gère les derniers instants avant le début du match, je suis présente au côté du coach… “TOP TIER” c’est un bon titre pour la photo, car les joueurs de hockey de ma High School, ils disent “Top Tier” tout le temps. En gros, ça veut dire “Top niveau”. Tout est “Top Tier” pour eux… Ah j’ai oublié de vous dire : Charlotte est super forte, donc elle joue dans l’équipe de garçons. Je suis donc “Team manager” de l’équipe de garçons. En vous racontant ça, je réalise que Charlotte, c’est un peu le héros de mon aventure.

TOUT PEUT CHANGER — J’adore cette photo. On s’est tous rencontrés, il y’a à peine deux semaines. Ça a tout de suite “matché”. Avec tous ces potes et mes sœurs d’accueil, on se voit tout le temps. Je viens de fêter mon 18e anniversaire, et grâce à eux, cet anniversaire a été le plus chouette de ma vie. Et je suis convaincue maintenant que les deux derniers mois de mon séjour vont être les meilleurs. Une année à l’étranger ça marche par vagues. À l’arrivée, on rencontre plein de gens, c’est excitant, mais on se rend vite compte que ça peut être superficiel, qu’on ne s’intéresse à toi que parce que tu es nouvelle… alors ça redescend… puis ton anglais s’améliore, tu rentres un peu dans le cœur des choses, tu rencontres de nouvelles personnes… Il y’a deux/trois semaines j’étais pas très bien, un peu dans le creux de la vague, je me disais qu’il ne me restait pas longtemps et que je n’avais pas fait grand-chose (alors que j’en ai fait et vu des choses !), mais une cousine qui a fait un échange au Costa Rica m’a dit : “Tu rigoles, il te reste beaucoup, beaucoup de temps, et même s’il te restait une journée, ce serait énorme…” Alors, un conseil, n’hésite pas à oser explorer ce temps qui te reste.” Je l’ai écoutée, je n’ai pas hésité… et j’ai fait la rencontre de ce groupe d’amis… Et là je suis entrée dans une nouvelle vague.
TOUT PEUT ARRIVER — Cette photo a été prise quelques minutes après la photo précédente (avec mes potes). Je n’avais pas vu encore d’aurore boréale et on approchait de la fin de saison. J’étais en mode : “Je vais jamais en voir”, et tout à coup elle est arrivée. C’est impressionnant, ça bouge beaucoup, ça danse, c’est plein de couleurs… du vert, du violet. J’était top contente. Pour moi l’aurore boréale ça représente le Nord. C’est un peu le symbole de l’Alaska. Elle a surgi au moment où je ne l’attendais pas. Comme quoi, quand tu as l’impression d’avoir déjà tout vu (ou celle plus désagréable encore de n’avoir rien vu), quelque chose peut survenir, surgir, et te surprendre.

Au lycée aux USA, contrairement à la France, la façon dont tu t’habilles ne compte pas. Tu fais ce que tu veux, y’a pas de “quant à soi”. On ne te regarde pas en pensant : “Qu’est-ce qu’elle fait celle-là, mais pour qui elle se prend ?” Je trouve ça chouette. La photo devant les “Lockers” avec mon pote Aydyen, illustre la journée “Country” vs “Country Club”. Ce jour-là, lui et moi, on représentait les “Country Clubs !”
JUST A MESSAGE — J’ai su assez vite que j’allais changer de famille, mais ça a mis du temps, car je/on ne trouvait pas. Au bout d’un moment, j’étais un peu désespérée. J’ai demandé à Charlotte : “Est-ce que tu crois que je peux en parler à Bailey ?” (Bailey était en cours de français avec moi mais je ne lui avais jamais parlé !). Charlotte m’a dit : “Pourquoi pas ?” Alors j’ai envoyé à Bailey un Snapchat, dans lequel je lui disais : “On se connaît pas, mais est-ce que tu pourrais m’accueillir. !” Elle m’a répondu aussitôt : “Ah oui, trop cool !” Je résume mais c’est comme ça qu’elle est devenue ma sœur d’accueil. Après il a fallu convaincre les parents : ils n’étaient pas très chauds au départ, mais ils ont changé d’avis quand ils m’ont rencontrée !… Le lendemain de ce Snapchat, on a fait nos devoirs ensemble dans un café et elle m’a demandé si je connaissais “Skylight” et si je voulais y aller. Elle m’y a emmenée. On a pris la photo là-bas, il était 17h. L’image reflète notre complicité. La lumière est belle. Notre histoire aussi : on ne se connaissait pas on est sorties ensemble et on est devenues “sœurs”. Quand je regarde cette photo je me dis qu’il ne faut pas avoir peur de tenter. Tout s’est joué autour d’un simple message. Quand je vais rentrer en France, je vais essayer de continuer dans cette voie.


Mais après, on est une communauté. Ce qui compte c’est ton environnement humain. Ce que j’aime ici c’est les gens qui m’entourent, c’est ce monde qui est devenu le mien. On aime la vie pour les gens par pour les choses. La vie peut être incroyable partout, peu importe où tu es. L’Alaska ou ailleurs c’est pareil. L’Alaska, c’est comme en France sauf que c’est ici. En fait maintenant, je me refuse à parler en termes de “C’est bien” ou “C‘est pas bien“. C’est comme ça, un point c’est tout.

Je crois que le fait de partir seule est un point crucial. Personne ne nous connaît, on ne connaît personne. On débarque et on plonge dans une réalité parallèle.
En France, je n’avais absolument pas d’animaux… limite, j’avais peur d’eux. Or je suis arrivée dans une famille qui avait deux chiens. Molly, au début, elle me fuyait, et maintenant elle m’attend et me saute dessus dès que j’arrive. Je ne sais pas comment dire… mais… je l’aime. Ma rencontre avec Molly confirme ce que je disais tout à l’heure : “Il ne faut pas avoir peur.” Ni de Molly ni du reste.
J’appréhende un peu le retour. Parfois mes amis français me soûlent : quand ils me parlent d’alcool, de soirées, de boîtes, de mecs, de “beaux ricains à pécho”… j’ai l’impression qu’ils ne me comprennent pas et que c’est assez loin de moi. En fait, ça ne m’a pas vraiment manqué durant cette année. Je me demande si en revenant et en retrouvant ma vie d’avant, je ne vais pas reprendre toutes mes anciennes habitudes, si tout ça ne va pas se refermer et se dissiper comme un rêve. Je pourrais raconter ce que j’ai vécu (ou rêvé), mais ce sera presque irréel. J’ai peur de douter que tout cela ait existé.











