Joseph, participant PIE, a passé son année scolaire 2018-2019 en Corée du Sud. Il évoque les différences majeures entre le système scolaire français et coréen en insistant sur l’aspect relationnel des choses et notamment sur la relation professeurs/élèves. L’école coréenne se distingue dans les classements PISA par son haut degré de performance: une preuve qu’un certain bien-être et une certaine exigence ne s’opposent pas.
Texte & image : Joseph, une année scolaire à Daegu, Corée du Sud.
En confiance
En France, à l’école, on est globalement plutôt considéré comme un numéro. Personnellement, j’ai eu quelques problèmes de santé l’année qui a précédé mon départ en Corée et personne n’a vraiment tenu compte de ça… au contraire, j’ai plutôt eu l’impression d’être considéré comme suspect. La confiance n’était pas de mise. C’est un peu dur.
La proximité avec les professeurs
À mon arrivée en Corée, ce qui m’a frappé c’est la proximité avec les professeurs. On a tous un enseignant référent que l’on voit chaque matin de 8h à 8h30 avant de commencer les cours. Il vous explique ce qui va se passer dans la semaine, les choses importantes (cérémonies, vie scolaire), et il est à l’écoute des problèmes que l’on rencontre (difficultés scolaires ou humaines). Dans mon cas, mon référent était mon prof d’anglais, ce qui a facilité le contact au début. Mais cette notion de proximité avec les profs dépasse le cadre du référent. Là-bas tous les profs sont impliqués. Pendant les cours, ils tracent leur route, ils vont vite, mais en revanche ils sont très disponibles pour vous aider en dehors des cours et durant les heures de soutien, pour expliquer et expliquer à nouveau si nécessaire.
En France, il y a un vrai souci de motivation, que ce soit du côté des élèves (je pense à tous ceux qui viennent en cours parce qu’ils doivent venir) ou du côté des profs. Nombreux sont ceux qui ne manifestent aucun plaisir à enseigner et qui ne s’impliquent pas. Heureusement il y a de vraies exceptions : certains profs sont très impliqués. On en croise tous dans notre carrière d’écolier ou de lycéen. Personnellement, j’ai eu en terminale un prof d’anglais qui, d’un seul coup, m’a fait faire un bond.
L’école est une communauté
En France, il n’y a pas «d’esprit» scolaire et pas de vie collective ; en Corée, il y a des réunions, des fêtes, de vrais moments communautaires. Durant l’année, toutes les occasions sont bonnes pour se retrouver, pour partager : speech du proviseur ou de professeurs, moments de liesse, de recueillement, etc. Avant le passage du diplôme final (équivalent du bac), il y a une cérémonie d’encouragement et de mise en confiance qui est organisée, et qui est suivie d’un grand repas. Difficile à imaginer dans notre lycée! Chaque établissement coréen organise également sa journée annuelle de fête: c’est particulièrement cool et convivial. En France, le lycée c’est les études et rien d’autres.
Bien être et exigence
Pour autant ne croyez pas que là-bas on ne travaille pas. Quand on bosse, on bosse. Ça va vite et il y a une grosse exigence académique (un exemple : en cours de maths on est passés des puissances aux logarithmes à une vitesse fulgurante alors qu’en France on met 4/5 ans). Et si tu ne travailles pas, on ne tarde pas à te remettre dans le droit chemin. Le niveau est élevé (NDLR : les classements PISA de la Corée sont excellents). Les examens sont fréquents et durs, et à ce niveau-là, ça ne rigole pas : on classe les élèves au niveau national et les résultats influent sur les admissions en université. Au moment de passer ces examens, on sent une grosse pression. C’est donc un système très exigeant et compétitif, mais pour autant très droit… très donnant-donnant. Ce qui est surprenant c’est que l’ambiance générale reste plutôt détendue. Je crois que paradoxalement —et malgré ce classement national— les élèves sont moins dans la comparaison (et je me demande si, à ce niveau-là, le fait que le costume soit de rigueur et que tout le monde soit habillé pareil n’a pas son importance). Une année là-bas a changé mon regard sur notre propre école. En partant, tu prends du recul. Tu vois ce qui fonctionne ici et ailleurs et ce qui ne fonctionne pas. Tu relativises, tu apprends à regarder avec distance. Mais attention: notre regard est sûrement un peu biaisé car on aborde notre année à l’étranger un peu en visiteur, donc avec plus de légèreté, avec des enjeux différents, et sans comprendre ou assimiler tous les arcanes du système (primaire, universitaire, phénomènes d’usure…).
Repartir de zéro
Ce qui m’a le plus intéressé dans cette expérience de bascule dans une autre école, c’est le fait d’être arrivé à l’étranger comme un homme neuf. Je n’avais pas de passé scolaire, pas d’étiquette. Avec notre statut de «nouveau», on échappe par exemple à ce fameux prof avec qui ça s’est mal passé l’année précédente et qui nous pourrit auprès des autres… Et puis, on repart un peu à zéro: on peut donc profiter de cette distance pour donner de soi l’image que l’on veut. Tout nous est donc permis. Cela n’est pas désagréable.
Cet article a été publié dans le journal Trois-Quatorze n°60 dans le cadre du dossier spécial sur le “Bien être et bien vivre à l’école” et du “Tour du monde des écoles”